par Charles Kramer, le 22 février 2015
« Toutes les formes que Protée embrasse, il semble les devenir tour à tour, à cause de l’attention partielle de ceux qui le contemplent» (d’après Wikipédia)
Les responsables de ressources humaines RRH se distinguent les uns des autres par des traits de personnalité, les responsabilités qui leur sont conférées et la qualité des relations nouées avec leurs dirigeants, leurs partenaires et le personnel. Ce sont des personnages d’autant plus influents qu’ils sont proches des principaux décideurs de l’entité ou, pour le moins, que leurs prestations se déploient en accord avec des politiques de gouvernance agréées.
Stimuler la dynamique de progrès au bénéfice de la collectivité est désormais aussi de leur ressort. Leurs talents ne sont plus exclusivement dédiés à l’harmonisation des conditions de travail. Leur intégrité et leur créativité sont des indications majeures de leur capacité à répondre aux exigences du poste.
Esquisser des profils est souhaitable. Ne nous bornons pas, toutefois, à survoler des tendances. Tentons d’ajuster nos optiques et instruisons-nous des objectifs de RRH entreprenants.
TRAITS INDIVIDUELS
Leur rôle étant protéiforme, leur image est souvent floue, même pour leurs interlocuteurs habituels.
Attributions et attentes diffèrent selon les secteurs d’activité, les effectifs, les localisations et les champs d’action des entreprises. Ils opèrent à plusieurs niveaux des pyramides hiérarchiques. Les causes de confusion sont nombreuses. Les médias sont friands de caricatures qui perpétuent des stéréotypes auxquels il serait bon de renoncer pour mettre en lumière les évolutions contemporaines car la « fonction personnel » s’est modifiée au fil des ans.
Les impératifs de la gestion demeurent mais ceux liés aux relations interpersonnelles, aux communications et à la motivation imposent le déploiement de talents spécifiques.
Aucun portrait-robot des titulaires ne restitue un profil type. Les RRH sont des personnes auxquelles les instances dirigeantes accordent un crédit suffisant pour qu’elles fassent en sorte que l’établissement ne tolère aucun manquement grave à l’encontre de ses collaborateurs, tout en veillant à ce que les intérêts de l’entreprise soient sauvegardés et les résultats optimisés.
Soucieuses d’équité, elles agissent par définition dans une logique donnant-donnant. Elles sont censées concevoir et mettre en place des « garde-fou » indispensables pour empêcher excès, abus, fraudes et, plus généralement, éliminer des infractions manifestes aux impératifs éthiques de rigueur dans une société policée.
Les RRH doivent créer et maintenir des conditions favorisant la collaboration, la créativité, le bien-être et la continuité au sein de la collectivité. Médiation et apaisement des conflits en font partie.
Dans cette perspective, les RRH doivent s’attacher à prévenir les atteintes aux relations licites non seulement entre superviseurs et subordonnés – permanents et temporaires-mais aussi entre ces derniers. D’autre part, il leur appartient d’intervenir en cas de traitements malvenus, imputables à des collègues, à des clients, à des sous-traitants et à des fournisseurs. Ils prennent des initiatives destinées à améliorer les comportements respectifs.
Il est requis des personnes chargées de RH qu’elles se distinguent par leurs orientations et leur sensibilité qui leur font privilégier des relations interpersonnelles tolérables. Elles ont à manifester des qualités d’observation et d’écoute, à s’informer et à communiquer efficacement. Elles doivent développer la consultation, encourager la modération et s’employer à dépassionner les débats pour aboutir à des résolutions de conflits au mieux des intérêts des parties concernées. Un self-control entraîné est donc exigible.
Dans la pratique, les entreprises ont intérêt à nommer des RRH enclins à la médiation, à la sérénité et à la fermeté en présence d’écarts indésirables. Elles s’obligent à leur accorder la marge d’autonomie suffisante pour que leur déontologie soit respectée.
QUELLE INFLUENCE ?
Philippe Dion, soutient que le rôle des RRH s’est infléchi. L’influence qu’ils exercent sur les orientations des sociétés gagnerait actuellement en importance. Selon sa thèse, dont nous ne mentionnons que quelques points saillants, ils s’impliquent désormais dans l’adoption de programmes tels que :
- RSE, responsabilité sociale des entreprises, soit une « intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et les relations avec les parties prenantes». Pour un développement prolongé, il faut promouvoir un engagement durable des salariés et s’appliquer à faire fructifier les ressources humaines
- Gestion des savoirs. Les DRH deviendraient actifs dans le « Knowledge management » afin que le potentiel interne de l’entreprise soit de mieux en mieux utilisé. La diffusion et l’appropriation des connaissances individuelles sont les bases d’une « organisation apprenante ».
Le développement de formes d’organisation du travail en réseaux et la gestion par projets est l’un des défis à relever. Appréhender les exigences de la consolidation et de l’enrichissement du patrimoine informationnel, perfectionner la maîtrise des flux et l’accès à l’information, exigent des RRH qu’ils déploient des compétences d’un niveau suffisant pour faciliter la transition à l’ère des applications numériques productives.
- Employabilité. Dion évoque une fonction RH qui se préoccupe de l’employabilité des collaborateurs grâce à la formation, leur permet de s’épanouir en veillant à entretenir l’équilibre entre vie professionnelle et privée. Ils agiront pour assurer l’égalité des chances entre hommes et femmes, respectant et récompensant leurs mérites…
- Anticipation stratégique. Selon le consultant cité, collaborer à la construction et au suivi de décisions stratégiques relève aussi du rôle des RRH. Ils feraient office de relais central dans la chaîne de la conception d’une stratégie. Les dispositifs RH déployés doivent « permettre d’alimenter en données la formulation de la stratégie et le processus de décision ».
TITRES
Aux classiques chefs du personnel, chefs du bureau du personnel et chargés des relations humaines ont succédé, depuis les années quatre-vingt, les directeurs des ressources humaines, des relations industrielles ou des relations sociales.
En amont, au niveau de leur supervision, se sont situés les DPRH (directeurs du personnel et des relations humaines), les DGRH (directeurs généraux des RH), les directeurs internationaux des RH et les directeurs RH centraux de groupe et de division. Seuls certains d’entre eux relèvent directement du président-directeur général ou du dg adjoint.
Parmi les titulaires de ces appellations figurent des personnes choisies en raison d’études et de connaissances pertinentes ou attestant d’expériences jugées appropriées, mais aussi des cadres « généralistes » désignés pour d’autres motifs (acquis et expériences managériales, financières, juridiques, commerciales, techniques, administratives, des négociateurs chevronnés, voire d’anciens militaires). Des cadres sans savoir-faire, des parachutés incompétents et des tyranneaux pervers ne restent pas longtemps dans la place.
FORMATIONS ADAPTÉES
Successivement, en plus de cinquante ans, les décideurs ont donné la préférence à des personnes attestant de connaissances en droit du travail, psychologie appliquée, organisation du travail, gestion administrative, comptable et budgétaire, encadrement d’effectifs de cols blancs et/ou de cols bleus à divers niveaux de supervision.
Les institutions offrant des enseignements pertinents se sont multipliées à leur intention (Universités, business schools, écoles d’ingénieurs, CNAM, cours privés…). Une vaste bibliographie est à la disposition des intéressés. Congrès, salons et conventions se multiplient. Une gamme d’outils professionnels, la plupart informatisés (manuels, traités, kits) est maintenant accessible.
HIÉRARCHIQUE ET FONCTIONNELS
Les RRH exercent une autorité de caractère « régalien » fournissant des prestations fonctionnelles contraignantes. Il est des exigences légales que toute entreprise est tenue de respecter. Selon les entités, leurs fonctions comportent des responsabilités qui ne sont pas sans traits communs mais s’avèrent en fait dissemblables.
Par définition, parmi celles qui leur sont déléguées, figure le devoir de veiller au respect des dispositions officielles, réglementaires et contractuelles. Soit par le truchement de leurs collaborateurs directs, soit par l’intermédiaire des agents d’encadrement, quel que soit leur rang.
Au minimum, les RRH font en sorte que soient remplies les obligations de la firme, en particulier à l’égard des salariés. Il leur incombe de veiller à ce que les règles d’engagement, de rémunération, et de séparation soient scrupuleusement appliquées. Les conditions de travail, dont l’ergonomie, reçoivent l’attention désirable.
En général, des relations définies avec les représentants des personnels (Comités d’entreprise, délégués, syndicats, instances d’hygiène et de sécurité, inspection du travail…) leur sont déléguées.
Les RRH prennent aussi en charge des responsabilités fonctionnelles en collaboration avec plusieurs départements. Entre autres, des programmes en matière de formation, d’information, de relations extérieures, de gestion des connaissances, de suivi de présence, d’absentéisme, de congés, d’élimination de comportements bannis (fraudes, discriminations, sexisme, harcèlements, homophobie, xénophobie, etc.). L’adhésion de chaque cadre est recherchée.
Avis d’expert : « L’innovation RH est indispensable au développement des entreprises » (Benoit Montet). Animer une organisation ouverte aux initiatives, motivante et tolérante, demande attention, vigilance et créativité des RRH. Ils favorisent les adaptations de chacun aux attentes individuelles et collectives. Le « tous DRH » représente une ambition à partager.
Des «Human Resources & Talent Management Executives », principalement dans les multinationales, assument des rôles additionnels tels que la présentation de rapports aux conseils d’administration, la participation aux “audits”, voire le « coaching » de membres du comité de direction, en binôme avec « le numéro un » (F. Bournois).
QUELS PARTENAIRES?
Les RRH travaillent forcément en synergie avec des unités internes (informatiques, juridiques, comptables…) mais aussi avec des organismes extérieurs (inspection du travail, services de santé, agences conseils, écoles, organes de presse, sous-traitants, annonceurs etc.).
La nécessité d’orchestrer des collaborations internes et externes s’impose aux RRH. Nul ne dispose du bagage très étoffé qui serait nécessaire pour remplir des obligations aussi disparates que celles qui leur sont attribuées. Parmi beaucoup d’autres, citons :
- Informatisation des services
- Organisation du travail, réorganisations, architecture d’organigrammes
- Planification et ajustements d’effectifs
- Maîtrise des budgets et, notamment, de la masse salariale
- Evolution des rémunérations
- Orientation des carrières (conseils, successions, réorientations, transferts)
- Maintien de relations avec les interlocuteurs sociaux, syndicats patronaux compris
- Consultation des réseaux numériques,
- Prospection, sélection, recrutement et affectation des salariés
- Choix d’organismes de formation et de recyclage
- Rapports avec annonceurs et médias
- Communications internes et externes
- Bureaux d’enquêtes, de sondages d’opinion
- Fournisseurs d’effectifs intérimaires
- Prestations interentreprises (caisses de retraite, transports, cantines…)
- Sécurité
- Adaptation des couvertures d’assurance, de protection et de contrôles sanitaires
- Prévention des accidents et des incendies ; mesures en cas de sinistres,
- Processus préliminaires et suivis (départs, invalidités, retraites…) etc. etc.
Personnages Pluriels
Sans doute les femmes et les hommes RRH concernés sont-ils des personnages de profil et d’envergure peu comparables. Les tempéraments, les attitudes, les conceptions et les expertises professionnelles ne sont pas identiques. Les itinéraires personnels ne suivent pas un modèle standard. Les attentes des entreprises à leur égard divergent. Les contextes et les conjonctures évoluent de façon imprévue.
Si d’aucuns se satisfont de voir en eux de simples lubrifiants des rouages institutionnels, d’autres aimeraient qu’ils soient en capacité d’agir en contrepoids de la hiérarchie. Ils seraient dès lors susceptibles de modérer voire d’infléchir et, le cas échéant, de contrecarrer des actes de pouvoir qui dépassent les limites de l’admissible. Encore faut-il que les RRH nourrissent de hautes ambitions professionnelles, prennent leurs responsabilité et convainquent leurs patrons de leur potentiel.
Généraliser n’est pas possible. Comme pour d’autres cadres-clés, la médiocrité n’est pas acceptable. Retirer leur mandat à ceux qui ne sont pas à la hauteur de leur mission est inévitable. Mieux vaut prévoir une évaluation périodique de l’adéquation des RRH aux spécificités de leurs obligations, appréciant au moyen de larges consultations la qualité des services rendus à l’entreprise et aux salariés.
charles.kramer@alumni.insead.edu
Documentation
ADNDRH Congrès International Francophone des RH – 25 & 26 juin http://ow.ly/IsJWN #CIFRH2015
Bournois Frank «RH- Les meilleures pratiques du CAC40 et du SBF120» 2007
Charan Ram «L’heure est venue de scinder les RH» Harvard Business Review Février-Mars 2015
Dion Philippe « DRH, de l’autorité à l’influence» Journal du Net, 12 septembre 2014
Dubreuil Arnaud «Les entrepreneurs français et leurs salariés. Deux siècles de rapport salariall (1791-1993)» 2003 « The Chief HR Officer Officer: 2015 Human Resources» Kit, www.hrtalentmanagement.com
Kramer Charles « Parcours de Sisyphe » IndiceRH.net, Objection, votre honneur, janvier 2013
Livre blanc ADP «capital humain déconnecté des salariés. État des lieux mondial »RH info. 2015
Paraponaris Claude
«AGeCSO – Association pour la gestion des connaissances dans la société et les organisations». cso.com/wp/ap
http://agecso.com/wp/appel-a-communication-conference-gecso-2015/ns |
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Salon «Solutions ressources humaines », outils et services dédiés aux dirigeants d’entreprises, aux responsables des RH, de formation et systèmes d’Information– Porte de Versailles, 24-26 mars 2015 |
Thévenet Maurice « Le Leadership marche sur trois pattes », Lettre du Cadre Territorial, numéro 475, 2014
Yehoshua A.B. « Le Directeur des ressources humaines » roman, Calmann-Lévy 2005