Par Nelly Margotton
La fonction RH est en profonde mutation, elle s’interroge sur sa mission et ses marges de manœuvres, elle doute et ne demande qu’à prendre sa place et s’épanouir vraiment dans l’entreprise.
Ces dernières années ont été riches en remises en questions multiples : les urgences du quotidien et les contraintes économiques ont fortement pesé sur la raison d’être de la fonction RH ainsi que sur les épaules des DRH souvent montrés du doigt. Pas toujours facile dans ces contextes de turbulence de défendre ses missions et de prendre le temps de s’occuper de la vocation humaniste incarnée théoriquement par le DRH : penser l’humain en entreprise. C’est-à-dire ? Tout simplement comprendre la place de l’homme individuellement et collectivement dans le projet d’entreprise ; rien ne pourra s’accomplir sans l’humain… autant le préserver. Comment ? Non pas de manière caricaturale en répondant à toutes ses demandes ; tout simplement en l’aidant à accomplir sa nature, celle d’une personne et non pas d’un élément d’une masse, nature qui tend vers l’accomplissement d’un projet de vie dont le temps passé en entreprise peut représenter (ou pas) un moteur ou un levier.
La société de consommation tend à considérer la clientèle comme une masse afin de créer et commercialiser des produits pour une ciblé bien déterminée ; la gestion des hommes tend à considérer ses salariés et parties prenantes comme un collectif, c’est-à-dire non pas comme une masse mais comme une somme d’individualités et comme une entité à part entière (LE collectif), qui doit permettre à une entreprise de réaliser ses projets… c’est plus complexe ; mais c’est important de faire la différence.
Une fonction RH qui se professionnalise
En tout cas, cette fonction RH se professionnalise de plus en plus ; l’offre en termes de formations RH est de plus en plus dense dans certaines régions, à destination d’un public en formation initiale notamment, et bien sûr dans le cadre de la formation continue où on ne se contente plus d’apporter des outils, mais où on accompagne vraiment les professionnels RH vers une compréhension de leur environnement, une vision prospective destinée à leur permettre d’anticiper au maximum l’évolution non seulement de leur activité et des métiers de leur entreprise, mais aussi de la société tout entière dans un contexte mondialisé et influencé par les nouvelles technologies.
Les outils RH traditionnellement utilisés ne sont pas suffisants ; on dispose d’un nombre important d’instruments et de moyens pour recruter, élaborer et suivre un plan de formation, gérer l’administratif, piloter les carrières… Mais le résultat ne semble pas toujours à la hauteur des promesses de ces outils dans la mesure où le dialogue social est toujours en aussi mauvaise santé. Les entreprises ne sont pas les seules responsables de cet état de fait, les représentants du personnel ont parfois aussi des difficultés à ne pas mélanger différentes formes d’intérêt (général ou électoral ou syndical), et surtout parce que le dialogue social ne concerne pas que des personnes désignées et élus mais l’ensemble du personnel d’une entreprise.
Une professionnalisation au profit de sa vocation originelle
Comment améliorer les relations de travail ?
Une méthode qui précède le choix des outils
On a tendance à confondre outils et méthode. Il existe des outils bien identifiés comme le droit du travail, les réunions, le management de proximité, la comptabilité, … On les connaît et on les pratique avec plus ou moins de bonheur. Mais il manque souvent une méthode générale pour instaurer des relations de travail saines et propices à la réussite de projets d’entreprise et au développement collectif tout en tenant compte d’un accompagnement individuel. Une méthode au service de laquelle les outils prendraient davantage de sens et pourraient trouver leur place …ou être abandonnés, pour répondre à des exigences rationnelles : cette méthode se construit autour d’une direction qu’on souhaite donner à un projet. Méthode qui prend en compte le « pour quoi » (la direction du projet d’entreprise), le « comment » (démarche éthique) et les contextes, interne et externe. Méthode qui ne s’élabore pas que dans l’intimité du bureau d’un DRH, mais grâce à des moments de concertation, de dialogue. Avec le personnel. Avec le corps social donc. Et puisque l’entreprise est vivante, et pas seulement le résultat d’une rationalité, les convictions RH devront être au service de la méthode : les convictions que la relation de travail repose sur une confiance réciproque qu’il va falloir construire et entretenir.
Enfin, le regard terrain est indispensable car rien ne fonctionne sans tenir compte de l’environnement dans lequel l’entreprise évolue, ses contraintes et ses opportunités. Environnement qu’il faut donc comprendre!
L’apport des Sciences Humaines
Ce regard ouvert sur l’environnement a donc besoin des sciences humaines : la philosophie en premier lieu, mais aussi la sociologie, la psychologie, l’histoire, l’économie, les neurosciences apportent aussi des éclairages qui permettent à la fonction RH de répondre à de nouveaux défis et à des questions qui ne se posaient pas auparavant, ou alors à une moindre échelle : les risques psychosociaux, l’allongement de la vie au travail, l’impact des nouvelles technologies, les exigences éthiques, les normes environnementales, … Avec la philosophie, on formalise une méthodologie pour accompagner les relations de travail. La philosophie permet de créer du lien entre les outils (droit du travail, management, …) et tous les projets de l’entreprise et sa stratégie, sans oublier de prendre en compte le caractère évolutif propre à des structures vivantes et à des individus qui eux-mêmes sont en constante évolution (dans leurs attentes, leur compétences, leurs performance, …). Le dialogue social n’est pas qu’une affaire de relations employeurs-élus; et c’est là que la philosophie intervient, pour développer une méthode de travail sur le social ; on confond souvent méthode et outils ce qui rend tous ces textes plus contraignants qu’ils n’y paraissent. Et le social n’est pas l’approbation de tout ce que demandent les salariés, ils sont au contraire la marque du respect de ce qui fondent les relations et permettent donc de fixer les limites de ce qui est acceptable ou pas, du côté de l’employeur comme des salariés
La philosophie apporte justement du recul et de la hauteur, elle instaure ou réinstaure le dialogue en posant les bases de la relation de confiance, de la reconnaissance, de l’engagement : elle est au service à la fois du management puisqu’elle travaille sur la stratégie, sa pertinence dans l’environnement, sur la communication (qui rappelons-le est multidimensionnelle et pas seulement descendante), sur l’adaptation des projets aux hommes de l’entreprise, et sur l’accompagnement de ceux qui ont du mal à trouver leur place. C’est une démarche globale mais qui permet aussi de résoudre des cas particuliers. Le philosophe observe, interroge, analyse, interroge encore, et propose des solutions en fonction de ses analyses. Il ne prend pas partie mais interroge les responsabilités de chacun. Il interrogera aussi l’organisation, les influences réciproques, les pouvoirs visibles ou moins visibles. Et les solutions proposées tiendront compte de ces mêmes outils. Faire de la philosophie pour aider le management d’une entreprise, ce n’est absolument pas abstrait, cela suppose au contraire une bonne prise en compte du terrain. Et le fait de bien connaître les règles de l’entreprise pour y avoir travaillé et pour continuer d’y intervenir est sans doute un plus. Nul besoin de réinventer des nouvelles théories, la prise en compte du terrain et la prise de recul qui s’opère selon la méthode de la problématisation en philosophie, qui consiste à interroger une question dans son intégralité, c’est la base d’un travail accessible au plus grand nombre ! Avec le temps nécessaire à la remise en question(s)…
La philosophie au service de l’entreprise
Et si on se prenait le temps de dialoguer ?
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