L’Inpes vient de mettre en ligne un nouveau chapitre thématique issu de l’analyse du Baromètre santé 2010 : Le tabagisme en France. En plus de l’étude approfondie et comparative de la consommation de tabac depuis 2000, il explore les représentations liées au produit et avance des explications sur les évolutions de la consommation dans différentes sous-populations (hommes, femmes, jeunes, précaires, etc.).

L’enquête Baromètre santé Inpes 2010 a été menée du 22 octobre 2009 au 3 juillet 2010, auprès de 27 653 personnes interrogées sur plus de vingt-cinq thématiques. Cette cinquième édition des Baromètres santé – réalisés par l’Inpes depuis 1992 – permet une comparaison avec les chiffres recueillis lors des précédentes enquêtes. Quels en sont les principaux enseignements ?

Hausse de la consommation…

Alors qu’il était en baisse depuis plus de vingt ans, le tabagisme a augmenté entre 2005 et 2010. La proportion de fumeurs quotidiens passe ainsi de 27,0 % à 29,1 %. Une tendance qui se confirme notamment chez les femmes âgées de 45 à 65 ans, et qui s’accompagne d’un recul des craintes exprimées à l’égard des maladies liées au tabac (26,8 % en 2010 contre 29,3 % en 2005).

… mais baisse du tabagisme passif

L’enquête révèle cependant une baisse du nombre moyen de cigarettes fumées par jour, conséquence d’une diminution de la consommation des gros fumeurs, probablement en lien avec l’interdiction de fumer dans les lieux publics, en particulier sur le lieu de travail. Cette interdiction semble par ailleurs avoir eu un effet sur la diminution du tabagisme passif à l’intérieur du domicile, notamment en présence d’enfants, en favorisant une prise de conscience des risques. En 2010, 40 % des sondés déclarent ainsi ne jamais fumer chez eux. Les mesures législatives et réglementaires de lutte contre le tabac semblent en outre avoir contribué à une dénormalisation du tabac : désormais, les fumeurs ne sont plus que 26,9 % à penser que « Fumer permet d’être plus à l’aise dans un groupe », contre 36,6 % en 2005.

Et du côté des jeunes ?

La forte baisse du tabagisme chez les jeunes (15-19 ans), observée depuis la fin des années 1990, s’interrompt en 2010, avec un écart entre filles (20,7 %) et garçons (26,5 %) pour l’usage quotidien. L’initiation au tabagisme semble cependant de plus en plus tardive : 16,4 ans sur la période 2005-2010, contre 16 ans en 2000-2005 et 15,6 ans en 1995-2000. Cette évolution pourrait être attribuée à l’interdiction de vente de tabac aux moins de 16 ans en 2004, puis à l’ensemble des mineurs depuis 2009, ainsi qu’aux hausses de prix successives depuis 2007.

Les inégalités sociales de santé se creusent

Le tabagisme apparaît associé à un niveau socioéconomique moins élevé en termes de diplôme, de revenu, de profession ou de situation professionnelle, en particulier pour la situation de chômage. Ainsi, 61,5 % des demandeurs d’emploi sans diplôme sont des fumeurs réguliers, contre 33,6 % des chômeurs dont le diplôme le plus élevé est supérieur au bac. Parmi les actifs, les ouvriers comptent 47,0 % de fumeurs, suivis par les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (40,1 %), les employés (36,3 %), les professions intermédiaires (30,1 %), les cadres et professions intellectuelles supérieures (24,6 %) et les agriculteurs exploitants (19,6 %).

Quels sont les publics prioritaires pour la prévention ?

Si l’envie d’arrêter de fumer semble relativement homogène au sein des sondés, les ouvriers, les moins diplômés, les personnes disposant de faibles revenus et les chômeurs affichent moins de réussite en matière de sevrage. Ces publics constituent de ce fait des cibles prioritaires des actions de prévention et d’éducation à la santé.

Le médecin généraliste en première ligne ?

Autre enseignement de l’enquête, 37,4 % des personnes qui souhaitent arrêter de fumer envisagent de se faire aider par un médecin. Or, selon le Baromètre cancer 2010, les fumeurs sont peu nombreux à avoir évoqué la question du tabac en consultation au cours de l’année (31,8 %) et le sujet a été abordé à l’initiative du médecin pour seulement 12,5 % d’entre eux. Sachant qu’un conseil délivré par un généraliste ou un professionnel de santé lors d’une consultation de routine augmente de façon significative les chances d’arrêter de fumer pour une durée d’au moins six mois, le rôle du praticien dans la prise en charge du sevrage tabagique devrait être renforcé.

Bien d’autres informations figurent dans ce document consacré au tabagisme en France : depuis la vente de médicaments d’aide à l’arrêt, aux signes de dépendance ou encore à l’évolution du tabagisme féminin. Un focus sur la ligne/site Tabac Info Service (TIS) est également proposé. Sur ce dispositif, voir notre l’article « Présentation et données d’activité de TIS »

À noter : dans le cadre du Baromètre santé 2013-2014, l’Inpes vient de lancer une vaste enquête sur la cigarette électronique.