Par Nelly Margotton ( Voir l’article)
La reconversion est d’actualité pour de nombreux salariés ou demandeurs d’emploi en mal d’opportunité dans leur domaine de prédilection ou dans leur région d’habitation.
Consultants, formateurs, coachs, conseillers, autant de personnes bien intentionnées pour les informer, les guider, les éclairer, les encourager, reconnaître leur engagement, leur effort.
Reclassement, bilans de compétences, accompagnement, formations, autant d’outils à leur disposition pour les aider à se projeter dans un avenir professionnel, mais également dans un futur personnel qui va les engager durablement.
Reconversions, différents cas de figure
Pour autant, on constate encore et toujours des inégalités face à des opportunités de reconversion. En effet, plusieurs cas de figure se présentent :
– La reconversion « idéale » qui vise à faire vivre une idée que la personne avait en tête depuis quelques temps, qu’elle n’avait pas mise en œuvre par manque de temps ou pour répondre aux exigences du quotidien qui ne permettent pas toujours la remise en question :
La reconversion se fait pratiquement sans douleur et suscite assez rapidement dynamisme, enthousiasme et engagement, à condition d‘obtenir le soutien de l’entourage qui est toujours plus important qu’il ne semble. Dans quelques cas, la reconversion peut ne pas être possible parce que la personne n’a pas le niveau (de connaissances ou compétences) ou les conditions matérielles pour le mener à bien, mais il s’agit là surtout d’un report : soit on fixe des étapes pour aller jusqu’au bout, soit on revoit ses ambitions et on trouve un projet dans un domaine similaire et plus accessible. A l’occasion de plans de départs volontaires, on est souvent agréablement surpris par l’énergie des salariés et de la vitesse à laquelle ils sont capables de monter un dossier pertinent ; c’est le moment pour eux d’envisager l’avenir à la lumière d’un coup du sort qui leur rappelle que leur situation professionnelle actuelle n’a rien de définitif, et que leur plan B ou leur rêve d’enfant pourrait peut-être voir le jour. Il va sans dire que l’accompagnement financier de l’entreprise dans le cas du plan de départ volontaire, ou le coup de pouce d’une banque ou du crowdfunding, voire des fonds dédiés (Fongecif, …) sont souvent indispensables.
– La reconversion qui fait suite à une période de remise en question et d’analyse de son environnement, en parallèle avec un examen objectif et surtout bienveillant de soi-même, de ses propres capacités et envies…
Pas de chance, le métier choisi n’existe plus ou n’offre que de très rares opportunités. Alors on se pose des questions, on se fait aider. Par le biais d’un accompagnement ou d’un bilan, on apprend à mieux se connaître en situation professionnelle et personnelle, à accepter le regard des autres, et à explorer un marché du travail pas si fermé si tant est qu’on apprend à utiliser les outils offerts notamment par le web ; les mots-clés recèlent des secrets et des mystères, il faut partir à la chasse aux trésors. Un visiteur médical par exemple fortement passionné par l’environnement de la santé et qui envisage d’avoir une activité davantage tournée vers l’aide et l’assistance pour sa nouvelle partie de carrière peut trouver des pistes dans l’économie sociale et solidaire par exemple, et travailler dans des organismes types mutuelles ou d’aide sociale à l’enfance, ou pourquoi pas des établissements et services d’aide par le travail, etc… Comment peut-il en venir à ces découvertes ? Tout simplement en tapant « métier du médical et social » sur les moteurs de recherche. Il peut aussi passer par les réseaux sociaux, taper ces mots clés et se mettre en relation avec des personnes qui ont mis en ligne leur profil et qui peuvent leur donner une vision éclairée et concrète de leur métier. Des procédés simples, qui nécessitent peu d’accompagnement à condition que la personne ait pris le temps d’accepter la perte de son emploi ou la disparition de son métier… La personne concernée doit absolument développer sa curiosité et passer du temps à découvrir et explorer son environnement .Reste à savoir si l’accès au nouveau poste nécessitera ou non de la formation, combien de temps, et financée de quelle manière. Les fonds paritaires de sécurisation des parcours professionnels doivent encourager le financement de ces formations de reconversion même s’ils ne concernent pas les métiers ou publics prioritaires, dans la mesure où trop de projets sérieux et pertinents ne peuvent aboutir par manque de moyens financiers…
– La reconversion douloureuse qui ne prend en compte que l’aspect professionnel de la question… et encore…
La nécessité économique de devoir trouver un emploi, un poste, rapidement, tout de suite, est souvent plus forte que toute idée de projet. Si la personne est autonome et entourée par un réseau satisfaisant de professionnels de son domaine, cela peut suffire à court ou moyen terme à satisfaire le reconverti. Mais plus régulièrement, la personne « obligée » de se reconvertir, incapable de se projeter vers un métier qui lui plait malgré un accompagnement adapté parce que la priorité est ailleurs et surtout financière, rend impossible la possibilité de prendre du temps pour se concentrer sur ses points forts, ses goûts, envies, … elle a pour objectif d’obtenir un emploi, soi-disant stable, et n’est pas dans l’optique d’un projet de professionnalisation et encore moins d’un projet de vie qui peut nécessiter des arbitrages. Contrainte et forcée, cette personne partira en formation ou en poste, avec l’échec de la dernière expérience encore présent dans sa rête, et peu d’optimisme pour la suite. Le management de l’entreprise d’accueil peut reprendre le relais pour créer des conditions de travail accueillantes et motivantes, mais cela n’apportera pas forcément la légèreté nécessaire. Ce qu’on pourrait plutôt envisager, c’est de ne pas perdre de vue que la personne est là pour répondre en premier lieu à ses contraintes financières, lui trouver une aide pour répondre au plus vite aux urgences, et ne surtout pas abandonner l’idée d’une possible reconversion après un retour à une situation économique moins douloureuse. L’accompagnement à la projection dans l’avenir ne pourra démarrer que lorsque la personne sera libérée de ces tracas administratifs, financiers, … C’est là aussi que la formation tout au long de la vie a du sens, mais l’initiative ne viendra pas forcément de cette personne, murée de nouveau dans son train-train, sa routine, acceptée telle qu’elle à défaut de pouvoir espérer autre chose. On peut imaginer qu’à l’occasion de l’entretien professionnel (obligatoire au moins 1 fois tous les deux ans), cet approfondissement de la situation professionnelle (et donc pas seulement « présentielle au travail ») soit abordée, ce qui nécessite de former les managers à cette question (tout au moins les managers en charge de faire passer les entretiens professionnels). D’autres structures existent, comme les Fongecif ou les associations, et pourquoi pas des services des collectivités locales, mais la personne n’ira pas spontanément à leur rencontre. La dimension RH, portée par le management ou le service RH a un rôle à jouer pour détecter les personnes qui n’aiment pas leur métier… même si elles sont présentes et efficaces, à première vue.
Finalement, la reconversion, c’est quoi?
Tout cela pour rappeler le sens réel du mot « reconversion » : en effet, on ne peut pas se limiter qu’à l’aspect « retour à l’emploi » si on l’envisage à long terme. Dans « reconversion » et « se reconvertir », souvent traduits à tort et (par usage) par « recyclage » ou « se recycler » on retrouve le mot « conversion », le verbe « se convertir », qui signifie « embrasser un mode de vie, des opinions, une culture ». Si on veut vraiment parler de reconversion dans un sens plus originel, oublié du fait de l’accélération de nos modes de vie, du fait des obligations «sociales », il nous faut aborder la personne dans sa globalité. Une reconversion suppose l’engagement dans une nouvelle vie, des nouvelles habitudes, avec un impact fort sur la vie personnelle. Un projet professionnel épanouissant aide aussi la personne à maintenir son équilibre personnel. Dans les réflexions actuelles sur la formation tout au long de la vie, il serait intéressant d’inclure un chapitre sur les reconversions, de tout type, de la plus opportuniste à celle qui est la plus subie, de manière à garantir l’opportunité de saisir à n’importe quel moment la bouée de la reconversion. Soit dans le cadre d’un volontariat, soit pour faire suite à un bilan (personnel, professionnel, de compétences) ou enfin pour couper court à la routine usante qui émane d’un choix effectué par nécessité plus que par vocation. La reconversion est une thématique propre également à la gestion des compétences et des parcours/carrières en entreprise. Mais comme elle nécessite souvent des moyens financiers, on ne peut pas faire porter toute la responsabilité des reconversions à l’employeur, mais envisager de recourir au budget formation, dont les fonds mutualisés continuent à être gaspillés, malgré des volontés souvent vertueuses d’accompagnement des personnes, mais qui se concentrent davantage sur l’emploi que sur la professionnalisation. Or on a besoin de professionnels et pas d’occupants de poste, surtout dans une période ou les postes se font rares.
Sans vouloir paraître naïve dans la mesure où il restera toujours des postes ingrats qui doivent bien être occupés par des volontaires, on peut espérer que les situations « d’occupation de poste » restent ponctuelles en vue d’une véritable reconversion. Ce n’est qu’avec des professionnels que les entreprises peuvent reprendre confiance, pas avec des postes occupés ; sans oublier dans les reconversions d’encourager les candidats à la création mais surtout à la reprise d’entreprises…
Nelly Margotton
Conférencière – Consultante – Formatrice
Fondatrice du cabinet PHEDON SAS : www.phedon-consult.com
blog : http://www.lentreprosophe.com/
nelly.margotton@phedon-consult.com