Après une première lecture à l’Assemblée nationale, puis l’examen du texte au Sénat, la nouvelle réforme des retraites poursuit son parcours législatif.
Si nos institutions permettront à n’en pas douter une adoption du texte dans une version quasi-identique à celle initialement présentée par le gouvernement, il n’en reste pas moins pour le citoyen inquiet pour sa retraite une nouvelle source d’incompréhension majeure sur un sujet aussi personnel que technique, aussi sensible qu’instable.
La peur de la réforme
En effet, les réformes successives (7 en 10 ans) rendues nécessaires par des problématiques financières n’ont fait qu’accroître la complexité et l’illisibilité du système. C’est là tout le paradoxe car cette confusion est source d’inquiétude et donc de comportements contraires à l’esprit des réformes. Ainsi, alors que l’objectif central est de garder plus longtemps les français dans l’emploi, la peur de la réforme suivante incite les citoyens à partir en retraite dès qu’ils le peuvent !
On notera trois facteurs sources de cette inquiétude : la complexité du système, la mauvaise information et le manque d’informations.
● La complexité n’est pas et ne sera pas, sauf surprise, réglée dans un avenir proche, la solution habituellement proposée de basculer dans un système unique de comptes notionnels à l’image de la Suède maintes fois abordée a été maintes fois reportée ! Les français doivent intégrer qu’ils appartiennent à un système complexe et difficilement compréhensible.
On trouvera pêle-mêle des régimes privés, publics, indépendants, spéciaux, de base, complémentaires, alignés, supplémentaires… Pour la plupart ces régimes ne fonctionnent pas de la même manière et apportent des avantages analogues mais avec des règles spécifiques : réversion, majoration pour enfants, bonifications,… Nous n’abordons pas le parcours du combattant de la personne polypensionnée voire de celle ayant effectué une partie de sa carrière à l’étranger !
● La mauvaise information. Surinformé en matière de retraite, le citoyen français ne sait en réalité à quelle sauce il sera mangé ! Parfois pertinente, souvent incomplète, généralement orientée, cette information renvoie inéluctablement à un message simple résumé par : nous allons travailler plus longtemps (ce que l’on retient des réformes successives) pour toucher moins et la situation va s’aggraver!
Evidemment, le fond de ce message est exact, la durée de carrière s’allonge tandis que la retraite à 60 ans n’est plus. Mais, nous ne pouvons pas mettre sur le même plan : la personne qui partira en retraite demain et celle qui partira dans 10, 20, 30 ou 40 ans ; celle qui a une carrière linéaire et celle qui a connu des accidents de parcours ; celle qui s’est expatriée et celle qui a une carrière uniquement française ; celle qui aspire à une retraite rapide et celle qui aspire à une retraite lucrative…
Car c’est bien là le sens général des réformes successives et le moyen qu’a trouvé le législateur pour résoudre, temporairement au moins, une équation financière difficile : l’arbitrage individuel entre temps libre et revenus. Le système n’est pas remis en cause, il y a bien une retraite par répartition pour tous via un dispositif contributif, mais les conditions d’obtention de la pension se durcissent. Sans opter directement pour une voie radicale, l’âge de départ en retraite n’a pas été reporté à 67 ans et les pensions n’ont pas été divisées par deux, le législateur a modifié les règles par petites touches. Le résultat, qui devra prouver son efficacité financière, montre déjà sa nouvelle complexité.
Pas de départ en retraite avant 62 ans sauf carrières longues, les enfants donnent droit à une majoration de durée d’assurance de 8 trimestres pour les mères sauf si je veux bénéficier du dispositif carrières longues, pour bénéficier du taux plein je dois avoir cotisé entre 166 et 172 trimestres selon mon année de naissance sauf si j’ai 67 ans, …Nous pouvons multiplier les exemples.
Ainsi, le paradoxe repose sur le fait de proposer une retraite « à la carte » plus flexible où chacun doit arbitrer entre temps libre ou revenus supplémentaires, cela au sein d’un système d’une complexité absolue auquel peu de personnes comprennent quelque chose et dans un contexte où les règles ne cessent d’évoluer.
Comment et où trouver la bonne information sur sa retraite ?
●De là émerge, le manque d’informations. Comment décider quand on ne peut évaluer les revenus que l’on aura selon les différents cas de figure ?
Notons, au préalable, que la mise en place du gip info retraite suite à la réforme de 2003 permet, 10 ans plus tard, à chacun de retrouver en ligne sa situation dans tous les régimes de retraite dans le Relevé de Situation Individuelle.
Néanmoins, si cet inventaire des droits s’avère précieux, les assurés ne recevront de réponses à leurs questions fondamentales – Quand pourrais-je partir ? Avec quels revenus ? Comment faire corriger les erreurs sur l’inventaire de mes droits ? Quelles incidences si j’anticipe ou je reporte mon départ ? – qu’à 55 ans dans l’Estimation Indicative Globale. Par ailleurs, les réformes successives modifient régulièrement les règles du jeu et ces simulations, qui ne sont pas actualisées.
Pour faire face au désengagement des systèmes obligatoires, des dispositifs par capitalisation sont souscrits par les citoyens en direct (PERE, PREFON) ou mis en place pour les salariés dans certaines entreprises (article 83, PERCO). Cette composante dont l’importance est grandissante dans la retraite de chacun d’entre nous doit également faire l’objet d’une estimation régulière pour connaitre les fruits qu’elle portera lorsque le moment de la retraite sera venu. Son rôle est fondamental dans la résolution de l’équation : plus de temps libre ou plus de revenus ?
Si des premières réponses ont été apportées par l’Assurance Retraite via son site de simulation Marel ou des sociétés privées qui proposent d’établir moyennant finance des bilans de retraite, ces solutions s’avèrent limitées. En effet, Marel, s’il permet de faire des simulations successives ne permet pas de renseigner directement les informations contenues dans le Relevé de Situation Individuelle. Les bilans de retraite, quant à eux, utilisent cette source d’information mais nécessitent un travail manuel long et donc onéreux : multiplier et actualiser ces simulations a un coût pour l’assuré voire pour son employeur !
Les simulateurs de nouvelle génération tel qu’e-Benefits Retraite développé par Adding, ont fait leur apparition et permettent de réaliser de nombreuses simulations utilisant sans saisie fastidieuse le contenu du Relevé de Situation Individuelle. Il s’agit là d’une avancée notable pour les salariés des sociétés qui leur mettent à disposition ces progiciels.
Au-delà de la détermination de l’âge de départ à taux plein, de l’estimation des rentes issues des régimes de retraite obligatoires versées à cette date, des incidences financières à anticiper ou retarder un départ, ces simulateurs chiffrent également les revenus à attendre des régimes supplémentaires de retraite par capitalisation. Le panorama est donc complet : données financières, incidence des choix personnels et actualisation à la demande.
Ce type d’outils permet à chacun d’apporter une réponse spécifique au questionnement initial induit par le législateur : Quand ? Combien ? Comment ? Puis, de valider régulièrement la pertinence des choix posés notamment après chaque réforme.
Le citoyen bien informé est donc moins angoissé, peut envisager plus sereinement son départ et arbitrer en toute connaissance de cause. Quand complexité et instabilité se conjuguent, l’information et la pédagogie sont les clés pour mieux appréhender la réalité sans la nier.