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Par Nelly Margotton

De nombreux professionnels en Ressources Humaines attendaient avec impatience hier le nom du nouveau ministre du travail pour commencer à envisager avec le moins d’inquiétude possible les futurs chantiers « prioritaires » à lancer dans leur entreprise.

Certains travaux de rénovation, voire de restauration, avaient d’ores et déjà été entamés, laissant encore de nombreuses interrogations ; les plans sont tracés mais souvent à ajuster…

Ce sera donc M. François Rebsamen.

Priorités ?

On dit que l’enjeu majeur de ce ministère est la fameuse « inversion de la courbe du chômage »… Certes, on ne peut pas nier que cette préoccupation soit prioritaire mais elle ne peut relever uniquement des décisions de ce ministère. En effet, la lutte pour l’emploi (et donc pour la  création, la sauvegarde et l’accompagnement de la transformation de l’emploi), suppose des collaborations massives et dynamiques avec les actions économiques, commerciales, écologiques, éducatives, territoriales, sans oublier les coopérations européennes et internationales, avec une vision prospective des bouleversements de la société qui ont aussi leur influence sur le développement des entreprises. Cette lutte est prioritaire mais c’est avant tout un chantier transversal pour le gouvernement, les différents ministres concernés par ces questions et pour tous les acteurs économiques.

En réalité, ce que le ministre va retrouver à son agenda, et cela… dès aujourd’hui sans doute, c’est la réforme de la formation professionnelle, non applicable en l’état (j’y reviens plus loin), la réforme de l’Inspection du Travail qui telle qu’elle est présentée fait déjà grincer les dents, les questions relatives à l’amélioration des conditions de travail, la simplification de la législation du travail, les conséquences de l’ANI relatif à la sécurisation de l’emploi qui donne du fil à retordre aux utilisateurs du temps partiel.

Sans oublier, surtout pas, le dialogue social… on en parle on en parle, mais on est loin d’atteindre les objectifs de l’apaisement ; surtout que depuis la réforme de la formation professionnelle de 2014 (et l’ANI de décembre 2013) on constate même des frictions entre les différents syndicats employeurs…!

Depuis ces 10 dernières années, toute nouvelle loi sociale oblige les  entreprises à négocier des accords.  GPEC, Egalité professionnelle, Séniors, Mobilité, Gestion du temps de travail, etc… Les DRH passent leur temps à négocier, en face à face avec les représentants du personnel. Et pour autant, observe-t-on réellement de l’apaisement dans les relations sociales ? Défiance et suspicions restent d’actualité et contaminent souvent l’ensemble des salariés et dirigeants. Les représentants du personnel manquent la plupart du temps de culture économique et stratégique, tandis que les employeurs et DRH avec qui ils négocient semblent surtout manquer de temps… et souvent de présence sur le terrain.

Ce matin pendant la cérémonie de la passation, M. François Rebsamen a évoqué la « notion de compromis » à « réhabiliter » dans le dialogue social, … c’est-à-dire ? L’employeur et ses représentants d’une part, les salariés et leurs représentants d’autre part, doivent faire des concessions pour collaborer ensemble ? Tout un programme. C’est déjà le cas, par obligation, à cause de la somme des textes législatifs qui s’accumulent et les obligent à négocier… toute l’année ; mais quand le temps est compté, on est souvent sur des jeux de dupes et les problèmes de fond perdurent ; on voit encore peu les effets bénéfiques des signatures des accords de GPEC sur la préservation des emplois et le développement des compétences ; il ne semble pas que les accords relatifs au contrat de génération et tous les « accords séniors » épargnent les personnes de + de 50 ans de la discrimination, etc… Le dialogue ne repose pas uniquement sur les compromis mais surtout sur la rencontre, la vraie, celle qui suppose une compréhension mutuelle du contexte dans lequel l’autre intervient. On en est loin. Formons nos syndicalistes en économie et en management, sortez les acteurs RH de leurs bureaux et surtout de leur entreprise, réinterrogeons le sens des mots un peu fourre-tout dont sont composés les accords d’entreprise : « pénibilité », « compétitivité », « conditions de travail », …,  et dépoussiérons-les pour que l’on s’accorde au moins sur les significations des sujets abordés… avant d’aller plus loin. Et laissons le temps aux équipes de mettre en œuvre ces accords !

La réforme de la formation professionnelle, une urgence.

Quant à la question de la nouvelle réforme de la formation professionnelle, elle présente quelques urgences ; tout d’abord concernant son application : on guette les décrets, les textes, car on doit mettre en œuvre dès le 1er janvier 2015 de nouveaux dispositifs et outils de gestion de la formation en entreprise ; avec la fin du DIF et l’arrivée du CPF (Compte Personnel de Formation), on remet en cause des pratiques qui ont mis du temps à prendre leurs marques après les réformes de 2004 et 2009 notamment sur le financement des formations en langues par le biais du DIF ; le CPF devant surtout servir à financer des formations qualifiantes et diplômantes , quid de ces formations linguistiques ? Sur quel budget ? Difficilement sur les contributions obligatoires (qui passent à 1% de la Masse Salariale pour les entreprises de plus de 10 salariés) puisque les obligations de travailler sur l’adaptation des hommes aux évolutions de leur travail, ainsi que le développement des compétences « métiers » vont déjà bien entamer voire dépasser le budget… Et quid de la professionnalisation dans les TPE et ETI , voire les PME en général ? En effet, ce dispositif devrait être désormais financé par le FPSPP (Fonds Paritaire  de Sécurisation des Parcours Professionnels) alors que celui-ci a déjà pour mission prioritaire le maintien des emploi et l’accès et retour à l’emploi des publics les plus fragilisés ? Un certain flou règne pour la prochaine rentrée scolaire 2014-2015 et j’espère qu’on pourra rapidement apporter de la lisibilité aux actuels et futurs étudiants en recherche de contrat de professionnalisation pour l’année prochaine. Cette année en cours leur a déjà apporté beaucoup de freins dans cette recherche, au profit de stage pas ou peu rémunérés…

En outre, on est un peu tendu dans les OPCA car leur mission (et devoir) de conseil est accru, pour autant…il faut comprendre encore les tenants et les aboutissants de cette réforme avant d’être en capacité d’informer et d’accompagner les adhérents-clients.

Les acteurs RH vigilants

De nombreuses attentes et questions semblent déjà se dessiner sur les plans des différents chantiers du nouveau ministre ; que l’architecte qu’il représente n’oublie pas les maîtres d’œuvre en entreprises (les managers RH) qui aimeraient pouvoir vraiment s’occuper aussi du second œuvre et des finitions, et pas seulement toujours des fondations (projets), et du gros œuvre (les accords) avec une multitude d’outils pas toujours adaptés par manque de temps et surtout de moyens (les effectifs RH sont presque toujours insuffisants)…. puisque considérés comme « supports » et non « stratégiques ».  Les négociations avec les différents acteurs du chantier resteront quotidiennes, mais on voudrait aller jusqu’au bout ensemble pour gagner davantage de confiance mutuelle… et trouver enfin les compromis évoqués dans son discours aujourd’hui.

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