La complexité de notre système administratif a contribué à créer des inégalités dans la comptabilité et la gestion des horaires variables au sein des organisations. Une anomalie lourde de conséquences devrait particulièrement alerter tout autant les DRH que les salariés concernés.
Dans les entreprises, la mise en place d’un « horaire variable » ou « horaire libre » permet à un employé d’organiser librement son planning de travail. Ceci constitue à n’en point douter une véritable avancée sociale. L’employé peut équilibrer sa présence sur son lieu de travail avec sa vie personnelle en indiquant à son responsable ses plages de présence.
Pour que le travail des Directions des ressources humaines soit facilité a été instituée la décomposition d’une journée de travail en plages fixes et plages variables.
– La plage fixe est la plage de présence obligatoire, faite pour faciliter le travail en équipe, les réunions, le service rendu au public, où les personnes se rencontrent (puisque toutes théoriquement présentes)…
– A contrario, la plage variable/libre est souvent positionnée souvent le matin, le soir ou pendant la pause déjeuner. Elle permet d’aménager son temps de travail (de venir plus tôt, de partir plus tôt…). Cette latitude pour s’occuper de la crèche/nounou, éviter les embouteillages (…) permet aussi de travailler un peu plus un jour et un peu moins un autre.
Quand un responsable RH doit évaluer ces plages horaires, il dispose au sein de son outil de gestion des temps d’un crédit débit qui correspond à la soustraction entre le temps travaillé comparé et le temps théorique d’une journée.
Ce compteur de crédit/débit, scruté au quotidien fait l’objet d’interprétations et d’usages variables en entreprise. L’un des abus souvent constatés porte le nom de présentéisme forcé.
Le présentiste comme Stakhanov moderne, allumera la cafetière le matin, et éteindra le soir avant de partir, accumulera un grand nombre d’heures de travail de présence qu’il pourra transformer en salaire ou période de récupération.
Pour que l’organisation puisse se prémunir contre les excès, on a inventé le concept de « temps neutralisé » – afin de ne pas comptabiliser du temps hors plage puisque ne correspondant pas au contrat ou aux horaires ainsi que la règle d’écrêtage.
L’écrêtage est une règle qui permet de limiter un compteur (comme le crédit/débit) en « coupant » au-delà d’un seuil. Par exemple, il serait possible d’augmenter son crédit d’heure en travaillant plus, mais dans une certaine limite de X heures par semaines, ou Y heures par mois.
Cette règle pourtant anodine et de bon sens – j’ai la liberté de travailler plus, mais raisonnablement – est au centre d’un vaste débat.
En effet, cette règle se trouve acceptée chez certains inspecteurs du travail, tandis que d’autres la refusent… Cette acceptation/refus d’une règle identique crée une rupture d’équité grave : deux personnes seront traitées de manière différente en application de textes identiques.
L’inspection du travail est souvent mal épaulée sur des sujets de plus en plus techniques. Quant à L’État qui devrait trancher clairement sur cette question, il a décidé de laisser les inspecteurs apprécier les situations au cas par cas. Une intention louable si elle ne touchait pas plusieurs milliers de personnes ayant négocié des accords-cadres nationaux.
En pratique, j’ai constaté sur le terrain que cette règle pouvait être acceptée par un inspecteur du travail local et refusée de manière catégorique par un autre.
• Puisque le droit s’interprète et permet une jurisprudence, qu’en est-il des règles de gestion au travail qui dépendent du droit ?
• Serait-il enfin possible de créer un « référentiel » clair permettant de distinguer ce qui est possible de ce qui est interdit ?
• Comment le législateur peut-il prendre en compte les modifications importantes qui découlent de l’informatisation massive des RH ?
• Et surtout comment résoudre cette rupture d’équité de fait ?
Tous ces points ne sont pas forcément nouveaux. De nombreuses fois les tribunaux ont été appelés à trancher – et là encore de manière quelquefois contraire. Très souvent, le contexte permet de faire pencher la balance.
Mais alors que la capacité technique actuelle des outils RH permet désormais une gestion centralisée, c’est lors du recensement des règles concrètes du « terrain » que se met en lumière le vrai problème : le flou, certaines différences passées sous silence ou pire la gestion « entre amis » n’est plus possible. Il faut donc au DRH d’aujourd’hui être clair, tranché et factuel puisqu’il possède désormais tous les outils.